UN FINANCEMENT BANCAL REPOSANT SUR TROIS ACTEURS INCERTAINS

Le financement du projet repose sur trois types d’acteurs principaux pour boucler un budget total de l’ordre de 15 milliards d’euros (non actualisé depuis 2020) :

  • 40% les collectivités
  • 20% l’Union Européenne
  • 40% l’État
 
Mais tel que décidé à date, ce financement présente un ‘trou’ de 1,5 milliards d’euros exposé par le président du collectif TGV en Albret en réunion publique du 16 février 2024 :

D’autant plus que le coût du projet est en cours d’actualisation depuis plusieurs années, les montants indiqués et contractualisés par ces acteurs étant associés aux estimations de 2014 (10,3 milliards d’euros annoncés à l’époque), ou bien de 2020 (première actualisation portant le montant total à 14 milliards d’euros), ou bien pour l’avenir à un montant plus important encore : les estimations actuelles se situent entre 15 et 20 milliards d’euros sans précisions données à date.

Les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie, les métropoles de Bordeaux et Toulouse, et 14 Départements, ont ainsi pour l’ores 5,6 milliards d’euros à leur charge. Ces contributions sont réparties entre 9 collectivités pour la Nouvelle-Aquitaine et 16 collectivités pour l’Occitanie, sachant que trois d’entre elles ont refusé de financer le projet : le département du Lot-et-Garonne (47), le département de Gironde (33), et la communauté d’agglomération du Pays-Basque !

NB : l'UE ne s'est pas engagée à date !

Ces collectivités en payent une partie (quelques dizaines de millions d’euros par an) directement sous forme de subvention, le reste en prélevant sur le contribuable une Taxe Spéciale d’Équipement (ou TSE, renommée « Impôt LGV » dans les médias), prélevés sur 40 ans dans 2340 communes*, à laquelle s’ajoute une taxe sur la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle à la taxe de séjour.

  • En 2023, 74 millions d’euros ont ainsi été mobilisés, dont 24 au titre de la taxe spéciale d’équipement (TSE).
  • En 2024, la contribution annuelle des collectivités du Sud-Ouest est portée à 160 millions d’euros (dont 60 issus de la TSE). 

 

Le tout est collecté par la SGPSO, la société de projet (voir ci-dessous pour une présentation complète de la SGPSO).

*La liste de ces communes est parue au Journal Officiel de janvier 2023 et est accessible ici sur legifrance. Cette taxe fait l’objet de deux recours (élus, associations et citoyens) devant le tribunal administratif de Toulouse.

Carte des communes soumises à la TSE
Carte des communes soumises à la TSE
Carte des communes soumises à la TSE

📍 Une carte a été crée au sein des collectifs opposés au projet, permettant de visibiliser cette taxe bien méconnue : LIEN

Or en signant le protocole de financement du GPSO, les collectivités territoriales se sont engagées à financer aussi les éventuels aléas du chantiers, surcoûts, retards, et manquements d’autres acteurs du financement (tel que l’Union Européenne, qui n’a jamais garanti sa contribution).

Sachant que l’Union Européenne n’a pas garanti son financement (voir plus bas sur cette page), et que les frais de gestion de la société du Grand Projet ferroviaire n’ont pas été comptabilisés dans le plan de financement, le bilan début 2024, dix ans après l’enquête publique, est le suivant :

Une idée de l’énormité de la situation peut nous être donnée en comparant le cas de la LGV Bordeaux-Tours (en fait, Bordeaux-Paris) avec le GPSO.

UN MONTAGE PAR SOCIETE DE GRAND PROJET

Pour collecter toutes les taxes et subventions destinées à financer le projet, et pour piloter les investissements nécessaires au GPSO, le gouvernement a choisi de monter une Société de Grand Projet (SGP) par ordonnance le 2 mars 2022.

 Cet établissement public, rattaché aux collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales, a pour mission de contribuer au financement de l’infrastructure ferroviaire du GPSO (Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest). Il gère la participation financière des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales, et à titre accessoire, peut mobiliser ces ressources pour apporter un appui matériel et humain aux maîtres d’ouvrage que sont SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions.
Il peut, au-delà du périmètre des opérations (AFSB, AFNT et lignes nouvelles Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse), mener des missions connexes d’ingénierie relatives aux projets de développement territorial liés au Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest.
Fiscalité instituée pour la SGPSO
Etat des lieux de l'aquisition foncière permis par la SGPSO et sa fiscalité propre, au 26 avril 2023

Précisions concernant la gouvernance de la SGPSO (Societe du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest) :

  • Le comité de surveillance est composé de représentants élus des collectivités ou groupements de collectivités signataires du plan de financement du 18 février 2022, d’un représentant de l’Etat (Préfet de Région Occitanie), d’un représentant de la Commission européenne, un représentant de SNCF Réseau, un représentant de SNCF Gares & connexions.
  • Le Conseil de surveillance assure le contrôle permanent de la gestion de l’EPL. Il se réunit au moins une fois par semestre. Par ailleurs, au sein de l’EPL, il instaure deux commissions, l’une consacrée à l’ingénierie financière, l’autre aux contrats.
  • Le  directoire, sous contrôle du conseil de surveillance, agit au nom de l’établissement public local comme ordonnateur principal des dépenses et recettes, établit le budget, assure la soutenabilité de l’emprunt au regard des ressources de l’EPL. Il recrute et gère le personnel.
  • Le directoire comprend trois membres nommés par le conseil de surveillance, et l’un de ces membres peut notamment être en charge de la direction générale de l’établissement public « Société de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan ».
 

Par ailleurs, la SGPSO participe à une instance dénommée « comité de pilotage » associant les personnes morales qui financent le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest. 

La composition de ce comité, ses missions et son fonctionnement sont précisées dans le décret en Conseil d’Etat du 22 avril 2022

En effet, à la différence de la Société du Canal Seine Nord Europe, qui est maître d’ouvrage et donc responsable de la construction de l’infrastructure, la Société du GPSO, dans la situation actuelle, n’est qu’une des parties prenantes du projet, chargée de contribuer à son financement.  C’est en fait le Comité de pilotage, co-présidé par le Préfet de la région Occitanie, le Président du Conseil Régional Occitanie et le Président du Conseil Régional Nouvelle Aquitaine qui garantira « la capacité d’action des maîtres d’ouvrage (SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions) à la conduite du projet dans les conditions de coûts et de délais prévus par les parties prenantes ». NB : SNCF Réseau qui peine à assumer son plan de charge de rénovation du réseau ferroviaire français a par la loi interdiction de financer des lignes nouvelles.

Cette structuration et la nomination des personnes siégeant aux différentes instances de la SGPSO s’est opéré en 2022 et 2023 : 

  • Étienne Guyot, Préfet de la région Occitanie et préfet coordonnateur du GPSO, a installé le 4 juillet le conseil de surveillance de la société du GPSO, réunissant les 25 collectivités territoriales finançant le projet, ainsi que SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions.
  • Carole Delga, présidente de la région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée a été élue présidente du conseil de surveillance. Georges Méric, président du conseil départemental de Haute Garonne et Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole ont été élus vice-présidents.
  • Guy Kauffman est élu président du directoire la société de projet (SGPSO)
  • Le comité de pilotage a par la suite nommé six vice-présidents territoriaux : Jean Dionis du Séjour, Xavier Fortinon, Jean-Luc Moudenc, Alain Anziani, Michel Weill, Brigitte Barèges, Jacques Oberti, Charles Dayot.
 

Les décisions prises par ces conseils : signature de convention de financement et d’investissement

  • Le premier conseil de surveillance de juillet 2022 a acté une convention de financement prévoyant le versement par les collectivités à partir de 2023 de leur part au projet à raison de 1/40e chaque année pendant 40 ans, afin de permettre les levées de fonds nécessaire à la société du GPSO.
  • Un second conseil de surveillance en octobre 2022 a approuvé les trois conventions financières qui seront signées entre l’État, l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), la société du GPSO, SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions pour un montant total de 67,474 millions d’euros.
  • Ces conventions permettront de démarrer :
    • les phases pré-opérationnelles du projet avec 58 M€ pour les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax afin de poursuivre les études d’avant-projet détaillé et l’action foncière ;
    • les études préliminaires des gares nouvelles pour 3,974 M€ ;
    • une première tranche de travaux préparatoires et d’acquisitions foncières du projet des aménagements ferroviaires au nord de Toulouse à hauteur de 5,5M€.
 

Un fil twitter permet de suivre la structuration et les décisions prises par ces instances.

📍 Plus d’informations sur la SGPSO (Société du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest) :

LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS À CHARGE

Un document de Gilles Savary et Marc Ivaldi publié en 2023 met en lumière les principaux éléments à charge du plan de financement :

 📁 La Société de projet du GPSO : un cheval de Troie institutitonnel pour piéger les finances locales dans le financement des TGV. Gilles Savary et Marc Ivaldi. Février 2023. Tribune (7 pages)

 > Pour les ménages aquitains et occitans fiscalisés, ces impôts locaux détournés pour le financement de LGV constituent une entorse caractérisée aux principes de nécessité, d’égalité et de destination locale des taxes locales, qui doivent justifier toute création d’impôt.
 
> Les Collectivités Locales contributives sont regroupées pour 40 ans dans un établissement public financier, chargé de souscrire leur part de financements sur les marchés financiers au taux du marché. […] Cette structure n’aura pas la compétence de maitre d’ouvrage du chantier, dont les travaux seront réalisés sous la maitrise d’ouvrage de SNCF réseau. Il s’agit donc essentiellement d’un outil de débudgétisation et de mutualisation de la contribution des collectivités locales, qui échappera à tout contrôle direct des assemblées locales.
 
> Ce prélèvement fiscal pour 40 ans aura un effet durable d’éviction de ressources publiques locales aux dépens du développement, pourtant impérieux , de solutions de transport publics de proximité qui manquent précisément aux populations périurbaines et rurales qui vont être fiscalisés pour ces LGV.
 
> Il embarque les Collectivités locales « volontaires » dans un financement des LGV, institutionnalisé pour la durée d’amortissement de l’exploitation, avec une forte probabilité qu’elles soient solidairement contraintes de financer les aléas et dépassements budgétaire de la construction, si ce n’est, à terme la maintenance d’une infrastructure vouée à un déficit d’exploitation.
 
Ce derniers point renvoie à deux écueils récurrents des grands projets que l’on peut documenter :

LE FINANCEMENT INCERTAIN DE L'UNION EUROPÉENNE

Le financement de l’Union Européenne est une incertitude qui risque de nous coûter très cher… En effet, l’Union Européenne  a décliné le financement du GPSO dans le cadre du mécanisme d’interconnexion européen MIE* de 2022 >> voir le tweet de Karima Delli, présidente de la commission transport de l’UE. *Le MIE est l’instrument de financement de l’UE pour les investissements stratégiques de transport en Europe.

Mais dès le début de 2023, SNCF Réseau a déposé deux dossiers de financement pour un montant de 200 millions, et près de 60 ont alors été attribués par l’Europe. La Commission européenne a ensuite débloqué en 2024 les derniers montants du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (le fonds qui octroie ces financements) pour la période 2021-2027, portant le total de ses contributions pour le projet des lignes à grande vitesse du Sud-Ouest à 80 millions d’euros au total. 

C’est donc encore loin des 2,8 milliards attendus selon le plan de financement signé par les collectivités.

« La question se joue durant les discussions autour du prochain budget pluriannuel européen. Les négociations ont déjà commencées mais elle débuteront officiellement l’année prochaine pour préparer le prochain MIE », précise en octobre 2024 Carlo Secchi, coordonnateur du réseau transeuropéen de transports.

Le principal problème, du point de vue du financement européen, est que le GPSO ne permet pas de liaison transfrontalière avec l’Espagne : il s’arrête aujourd’hui à Dax. Ce projet ne rentre donc pas dans le cadre de ses objectifs de connexions entre grandes métropoles européennes, malgré ce que tente de démontrer le rapport d’enquête publique en 2015 où la phase Dax-Espagne du projet était mise en avant. Si ce tronçon Dax-Espagne est aujourd’hui reporté en phase 2 du projet, dix ans après la mise en service annoncée des premiers tronçons de LGV, c’est que celui-ci a essuyé de premières contestations très vives au Pays-Basque.

Les financements européens basés sur la notion de liaison transfrontalière pourraient donc être caducs, et dépendent toujours des aléas politiques et budgétaires probables.

Pour rappel, le financement européen s’établissait ainsi début 2024 :