Les promoteurs de la LGV utilisent tout un panel d’arguments, plus ou moins faux, dans la presse, les allocutions mais aussi sur leur site lgv2030.fr où ils ont le toupet de faire un “VRAI / FAUX” tout ce qu’il y a de plus biaisé et partiel.
On peut donc prendre connaissance de leur Foire aux Questions (FAQ) et se rendre compte de cette mascarade quand on a un regard un peu plus informé sur ce projet.

Nous avons donc souhaité produire ici une Contre-FAQ, afin de rétablir la vérité. Celle-ci est complémentaire d’une analyse similaire proposée par le CADE : “Le GPSO en questions” (31 pages agrémentées de nombreuses photos)

Justement, aucun ! En fait, ce sont deux projets de sociétés distincts que l’on peut lire à travers cette question :
  • D’un côté, le « toujours plus vite, toujours plus cher » des Lignes à Grande Vitesse, qui bénéficient essentiellement aux cadres et aux métropolitains (y compris les entreprises implantées de fait sur ces bassins de consommation). C’est ce que l’on explique plus en détails ici ;
  • De l’autre, le déplacement quotidien de millions de français par exemple pour les trajets domicile-travail, lorsque ceux-ci font le choix de vivre sur des territoires moins densément peuplés, plus ruraux, et calés sur d’autres rythmes non nécessairement tournés vers la vitesse et l’accélération permanente.
Or, ce qui intéresse principalement les citoyens vivant en périurbain et travaillant à Bordeaux ou à Toulouse, c’est d’éviter de se retrouver matin et soir dans des embouteillages monstrueux (voir cet article). Une LGV à 14,3 milliards d’euros ne pourra pas résoudre le problème, que  seule la modernisation des lignes ferroviaires périurbaines et des gares desservies traitera.
 

Pourtant, les Lignes à Grande Vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax sont mises dans le même sac que les trains du quotidien aux travers des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse, dits nécessaires à la fluidification des transports publics, mais en réalité conçus dans le seul but de permettre l’accueil des LGVs jusqu’au coeur de métropole. Le collectif Trans’CUB démontre cela en comparant le projet des Aménagements Ferroviaires au Sud de Bordeaux (AFSB) avec un projet alternatif consistant à aménager la gare de Beautiran (pour un budget de 50 millions d’euros à comparer au milliard alloué aux AFSB sur l’argent des collectivités) : lire ce document.

En dehors des accès aux métropoles de Bordeaux et de Toulouse depuis les villes moyennes, dans le reste des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie les populations seront contraintes de s’en tenir à la voiture, puisque la LGV ne s’arrêtera pas chez eux. Il faut, en effet, pour tenir le Bordeaux-Toulouse en 1h, éviter de s’arrêter en chemin !
Et pourtant, le site de promotion de la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax vante les LGVs comme un transport de « proximité ». Sur la page censée expliquer ce parti-pris de la proximité, on lit alors que « les lignes à grande vitesse rapprochent des villes comme Dax, Bayonne, Agen, Mont-de-Marsan, Pau, Montauban et Toulouse de Paris. » Les promoteurs de ce grand projet semblent ainsi oublier que ce qui intéresse la majorité de la population sur le territoire n’est sans doute pas d’aller à Paris tous les jours.

D’autant plus lorsqu’il est question de report modal (principal argument en faveur des LGVs) : ce report modal serait pertinent sur les trajets quotidiens, ceux qui engendrent la part la plus significative des émissions de gaz à effet de serre. Mais si le report modal ne s’applique qu’aux trajets occasionnels, il tombe à côté de la plaque.

Le Grand Projet ferroviaire du Sud Ouest a été actualisé en 2021 pour un montant total de 14,3 milliards d’euros décomposé par tronçons :

  • Bordeaux-Toulouse estimé à 6,3 milliards (contre entre 2,1 et 4,9 milliards d’euros selon les scénarios retenus pour les alternatives de modernisation) ;
  • Bordeaux-Dax estimé à 3,9 milliards (contre entre 1,2 et 4 milliards pour les options de modernisations).

Plus précisément, le GPSO consiste à créer une nouvelle ligne de 327 kilomètres sur les axes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, avec un tronc commun de Bordeaux jusqu’en Sud Gironde de 55km, chiffré il a plus de 10 ans à 1,4 milliards.
La suite vers Toulouse était estimée à 4,9 milliards d’euros, et vers Dax à 2,5 milliards d’euros. En outre, il a été compté 1,6 milliards d’euros supplémentaires pour les aménagements au sud de Bordeaux (consistant en l’ajout d’une voie entre Bègles et Saint-Médard d’Eyrans) et au nord de Toulouse.

En  actualisant ces chiffres (sommés à 10,4 milliards d’euros) on arrive à 14 milliards annoncés effectivement en 2021, bien que cette actualisation soit biaisée car ne tenant pas compte de l’inflation de 2022, des crises géopolitiques et des pénuries de matériaux, ni de la crise énergétique. Et sans compter non plus sur les retards systématiquement observés sur les autres grands projets de cette envergure.

Extrait plan de financement de Bordeaux-Toulouse et Sud Gironde-Dax – relayé par le CADE

Comme le souligne le CADE :  le plan de financement note une « estimation donnée à titre indicatif », mais :

  • « Ces coûts sont également susceptibles d’évoluer pour intégrer notamment les modifications de programme non prévues au stade actuel de définition ou encore toute modification liée à des évolutions législatives et réglementaires. »
  • Les frais financiers et les frais de gestion liés à la société de projet qui pilote le projet ne sont pas pris en compte dans le coût annoncé. Ils sont estimés à 10% de l’investissement.

 

>> Cela revient donc à près de 40 millions d’euros le kilomètre (39,32M€). Ainsi avec 3km de LGV on pourrait construire un centre hospitalier régional non équipé de 40 000m2 en région parisienne[1] et avec 1km ce serait selon la région 2 à 3 EHPAD de 60 lits ou 2 collèges de 600 élèves.

>> … Cela revient également à 175 millions d’euros pour gagner 1 minute !
(60 minutes de gagnées sur Bordeaux-Toulouse et 20 minutes sur Bordeaux-Dax soit au total 80 minutes pour 14 milliards d’euros constants.)

[1] Coûts de construction par mètre carré de la surface intérieure des centres hospitaliers à Paris en 2018, par type de centre. https://fr.statista.com/statistiques/1000157/couts-construction-hopitaux-metre-carre-surface-interieure-paris/

 

Le projet de rénovation de l’existant, lui, consiste à rénover les rails, rectifier les courbes, traversées et passages à niveau existants. Plusieurs scénarios ont été étudiés selon qu’ils donnaient la priorité au temps de trajet, à la capacité de transport, ou à la moindre emprise des travaux. Les coûts oscillent donc entre 2,1 et 4,9 milliards d’euros pour Bordeaux-Toulouse, et entre 3 et 4 milliards pour Bordeaux-Dax, sans compter une 4e alternative proposée et chiffrée à 1,2 milliards mais jamais prise en compte par les promoteurs de la LGV.

L’écart est ainsi de l’ordre du simple au double.

Concernant le « qui paie » (présenté dans le détail ici), le plan de financement prévoit une contribution conjointe de l’État (40%), des collectivités (40%) et de l’Union Européenne (20%).
Cependant, la loi finance 2023 – passée en 49.3 – a instauré une taxe supplémentaire (« Taxe Spéciale d’Équipement ») à payer par les habitants de plus de 2000 communes pour financer le projet, ainsi qu’une augmentation de 34% de la taxe de séjour, les subventions des collectivités ne permettant pas d’atteindre les montants demandés, pourtant lissés sur 40 ans.
Et l’Union Européenne n’a par ailleurs toujours pas accepté de financer les 20% restant (sur les 14 milliards d’euros attendus).

Deux recours (citoyens et élus) ont été portés au Tribunal Administratif de Toulouse contre le GPSO pour dénoncer ce plan de financement bancal, et sont toujours en cours de traitement.

Texte proposé par le CADE

 

Les contribuables aquitains paieront cette LGV inutile à travers leurs impôts nationaux et locaux. La Nouvelle Aquitaine s’est engagée à hauteur de 2,474 milliards d’euros.

Mais pas seulement…  Des taxes nouvelles ont été inventées !

Extrait du rapport 2022 du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI)

 

Pour l’instant, elles sont au nombre de 2 :

  • La Taxe spéciale d’équipement (TSE), d’abord fixée à 24 millions d’euros, a été augmentée à 29,5 millions. Elle sera actualisée chaque année.

    Elle s’applique à tous les propriétaires fonciers (professionnels, ou particuliers). soumis aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, aux taxes d’habitation sur les locaux autres que les résidences  principales, mais aussi aux cotisations foncières des entreprises (CFE).

    Elle sera payée par tous les habitants à moins d’une heure en voiture d’une gare LGV. 2340 communes ont été identifiées sur le tracé Bordeaux-Toulouse ; Bordeaux-Dax.

  • La taxe additionnelle à la taxe de séjour.

    Il sera instauré à compter du 1er janvier 2024, une taxe additionnelle de 34 % à la taxe de séjour perçue dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne, des Pyrénées-Atlantiques, de la Haute-Garonne, du Gers, des Hautes Pyrénées, de l’Ariège, du Lot, du Tarn et du Tarn-et-Garonne au bénéfice de la « Société du Grand Projet du Sud-Ouest.

 

Pas d’inquiétude selon Alain Rousset le président de la Région Aquitaine, ces taxes sont « de l’ordre de quelques euros »

Certes prélèvement « anecdotique » tout comme l’étaient la CSG et la CRDS à l’origine ! Qu’en sera-t-il dans 40 ans, durée des prélèvements ?

Notons tout d’abord que le report modal n’a jamais été quantifié et aucune étude ne donne un chiffre qui justifierait le projet sur ce seul critère : quand on engage de tels projets il convient au moins d’être transparent et de mener des études honnêtes sur les objectifs attendus.

Il parait cependant relever du bon sens que de cibler dans une logique de report modal en priorité les trajets du quotidien (qui ne sont pas ceux des LGVs) : les trajets domicile-travail, qui rendent dans beaucoup de cas dépendant de la voiture. C’est cette dépendance qu’il est prioritaire d’éliminer, et qui peut l’être en améliorant le service de transport public, par les lignes de proximité notamment et la prise en compte de certains facteurs limitant les commutations depuis ou vers la métropole.
En effet, qui prend l’avion tous les jours pour aller à Paris depuis Toulouse, vs. combien de personnes s’embourbent quotidiennement sur les rocades ? En terme d’impact, de proportion de la population française ciblée, ce ne sont pas les mêmes ordres de grandeur !

De plus, si on veut se prêter au jeu des calculs de coin de table sur un hypothétique report modal de l’avion vers le train, notons également ceci : le chantier à lui seul de cette LGV serait équivalent en termes d’émissions à 28 millions d’aller-retours Paris-Toulouse*. La liaison aérienne fait 2,2 millions de passagers par an donc même si on envisageait que TOUS les passagers se reportent sur le train (scénario absurde) ça ne serait rentable qu’au bout de 13 ans !
*Le trafic routier pendant la durée du chantier (5 ans) est en effet estimé à une rotation de 2360 camions/jour ouvré. (Dossier DUP GPSO Pièce B/ chapitre 4)

Quant à la limite d’interdiction des vols domestiques, parfois citée, celle-ci concerne les trajets réalisables en 2h30 de train. On en serait encore loin avec la liaison ferroviaire en 3h10, et ce uniquement possible dans les cas les plus optimaux (sans arrêts intermédiaires).

Par ailleurs le CADE présente les conclusions de rapports d’expertises qui vont tous dans le même sens :

  • La société Carbone 4, cabinet conseil en stratégie carbone, souligne que : « Le pronostic promouvant le report modal du transport passagers de la route vers le train à grande vitesse est à envisager avec prudence […] Les études effectuées sur des LGV inaugurées dans le passé montrent que, sur l’ensemble des passagers du train, le taux de report modal en provenance de la voiture et de l’avion est généralement inférieur aux 12% pris comme hypothèse sur la LGV Est. Or, sur la LGV Lyon-Valence, par exemple, ce taux n’est que de 6% ! »

    Yves Crozet le confirme : “Un Bilan carbone conduit par RFF sur la branche Est du TGV Rhin-Rhône (ouverte au trafic fin 2011) a montré qu’il fallait attendre 12 années de trafic pour compenser, par la baisse des émissions de CO2 permises par les TGV, les émissions liées au chantier de construction. Mais comme les trafics sont très inférieurs aux estimations initiales, il faudra 25 années au moins pour arriver à ce résultat.[1]”

     

  • Ceci ne constitue pas un cas isolé. Une étude de l’institut Sweden Nature’s Associates , parue en 2009, explique que les émissions de CO2 produites par la construction d’une LGV nécessitent de très importants transferts de trafic de la route et de l’avion pour justifier un bilan carbone positif.

  • Les auteurs d’une étude de l’Université suédoise de Linköping[2] se montrent sévères : « La réduction des émissions de CO2 liée à la construction des lignes à grande vitesse (LGV) est minime et la construction de ces réseaux ne peut être considérée comme une politique environnementale réaliste. Les raisons positives qui motivent ces investissements peuvent être nombreuses, mais la réduction des émissions de CO2 ne peut en faire partie ».

    Les auteurs déplorent vivement qu’un « consensus politique ait émergé dans le fait qu’investir dans des lignes à grande vitesse pouvait contribuer au développement économique et réduire les émissions de carbone ».

    S’adressant à EurActiv, Björn Carlén, représentant de ce groupe d’experts, explique :

    « Les raisons positives qui motivent ces investissements peuvent être nombreuses mais la réduction des émissions de CO2 ne peut en faire partie […] Les conclusions sont applicables d’une manière équivalente à d’autres pays de l’UE où des investissements similaires existent. »

  • Toutes les études vont dans le même sens comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport de 2014 : « De nombreuses études en France et à l’étranger confirment ce constat de faible effet de la grande vitesse sur le gain en émission de GES. »

 

[1] Les métamorphoses du modèle économique de la grande vitesse ferroviaire.

[2] Jan-Eric Nilsson et Roger Pyddoke, Höghastighetsjärnvägar–ett klimatpolitiskt stickspår, Rapport till Expert-gruppen för miljöstudier, 2009. Voir la traduction française des conclusions du rapport :

D’après Carole Delga (présidente de la région Occitanie et grande promotrice du projet aux côtés de son homologue Alain Rousset pour la Nouvelle Aquitaine) « on a besoin d’une LGV pour être reliés à Paris et à l’international. »

Cependant, la commission d’enquête publique mettait en garde contre le risque de métropolisation qui ressort de toutes les études : « Le service de la grande vitesse étant consubstantiel à la desserte exclusive des grandes agglomérations, le risque de métropolisation est patent. L’irrigation du territoire présentée comme un argument en faveur du projet risque de se transformer en drainage du territoire et en concentration de l’activité sur les métropoles. »


Par ailleurs concernant les apports réels du projet du GPSO au regard des dessertes :

  • Sur la partie Bordeaux-Dax, les voies existantes mettent à 10 minutes prêt le même temps de trajet que le projet de ligne nouvelle annoncé, qui ne desservira pas plus de gares ou communes.

    En effet, un TGV n’est pas un omnibus, il lui faut commencer à réduire sa vitesse 15km avant un arrêt en gare, il ne peut retrouver la grande vitesse que 15km après un arrêt. Dans ces conditions combien de TGV s’arrêteront à Agen puis à Montauban, à Mont de Marsan puis à Dax puis à Bayonne ? La desserte pour ces villes en serait amoindrie  : « certaines villes moyennes pâtissent d’une trop faible desserte à grande vitesse qui les pénalise par rapport à leur desserte classique antérieure. (Sylvie Bazin et collaborateurs)

  • D’autre part sur Bordeaux-Toulouse, cet argument est avancé en faisant référence à la possibilité de relier Toulouse et Paris, en passant par Bordeaux, en 3h10.  NB : Les spécialistes notent cependant qu’en s’arrêtant à Bordeaux, ce serait plutôt 3h25.

    Sans parler du fait que Paris n’est pas le centre du monde pour des millions de personnes vivant sur les territoires de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie, il est également possible sur cette liaison d’améliorer les voies existantes pour permettre d’une part un meilleur service (c’est-à-dire de la régularité, plus de fréquences, une augmentation de la capacité par l’augmentation des rames à étage, et surtout moins de retards et incidents).

    De plus, à l’exclusion de Bordeaux et de Toulouse, toutes les villes desservies ne sont pas sur le tracé. Le CADE explique dans son dossier de présentation du GPSO cette particularité du projet : par exemple la gare d’Agen est éloignée de 8-11km par la route de la gare centrale (du centre-ville d’Agen).

 

Et les quelques villes désservies ne sont pas en nombre suffisant pour parler de “maillage territorial”. Il faudrait pour cela toucher les petites villes, non seulement les moyennes et grosses, et assurer un certains nombre d’arrêt dans chaque gare du tracé, ce qui n’est pas forcément le cas puisque la liaison Paris-Toulouse en 3h10 vantée par les promoteurs du GPSO concerne les trajets avec peu d’arrêts justement (les arrêts augmentent le temps de parcours).

C’est aussi ce que note la Cour des comptes  : « Une politique de transport reposant sur un rôle presque exclusif de la grande vitesse ferroviaire accentue plutôt les inégalités des territoires qu’elle ne les atténue. »

La ligne à grande vitesse ne fera finalement qu’une seule chose : passer plus vite d’une grande ville à une autre, pour des villes d’ailleurs en majorité déjà connectées entre elles.  En cela, l’argument de la vitesse semble taillé expressément pour les cadres et métropolitains n’ayant pas de temps à perdre dans les arrêts de petites gares, le contexte ayant pourtant bien changé depuis la COVID qui a montré que les  réunions par visio-conférence permettaient d’éviter de nombreux déplacements imposés.

C’est dire que les déplacements professionnels représentent finalement les seuls débouchés d’intérêt pour ces LGVs : les entreprises reposant sur ce type de déplacement en sont les principales destinataires, et c’est bien à elles que s’adresse le site lgv2030.fr, par exemple ici.

Un argument régulièrement avancé serait en effet de dire que, puisque nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il faut remplacer les déplacements actuellement effectués en voiture par des déplacements en train, les trains reposant sur de l’énergie « verte » car non fossile.

Sans parler du fait que c’est faux (voir cet article et cette page détaillant l’enjeu énergétique), nous renvoyons à notre analyse de l’argument du « report modal » sur la page détaillant les Enjeux Écologiques : « Évoquer le report modal pour justifier ce projet, c’est se positionner à côté de la plaque ».

Citons en attendant la société Carbone 4, spécialisée en stratégie carbone  : « Le pronostic promouvant le report modal du transport passagers de la route vers le train à grande vitesse est à envisager avec prudence […] Les études effectuées sur des LGV inaugurées dans le passé montrent que, sur l’ensemble des passagers du train, le taux de report modal en provenance de la voiture et de l’avion est généralement inférieur aux 12% pris comme hypothèse sur la LGV Est. Or, sur la LGV Lyon-Valence, par exemple, ce taux n’est que de 6% ! »

Texte proposé par le CADE

Lors du débat public de 2006, Réseau Ferré de France (RFF) pour justifier la construction d’une nouvelle ligne a présenté des estimations de trafic surestimées pour ne pas dire fantaisistes.

  • Pour 2020, sont annoncés 345 trains en sortie de Bordeaux dont 190 trains de fret et 250 trains pour la traversée du Pays basque dont 170 trains de fret.

Document de RFF du débat public
  • En 2018 (dernière statistique SNCF Réseau disponible), il circulait 99 trains en sortie de Bordeaux (44 trains dans un sens, 45 dans l’autre) dont 14 trains de fret (7 par sens) et 50 trains (25 par sens) pour la traversée du Pays basque dont 14 trains de fret (7 par sens).

    Extrait du dossier du débat public de 2006 Bordeaux-Espagne

    Certes l’Y basque qui doit se raccorder à la ligne Bordeaux -Espagne n’est pas en service mais RFF prévoyait pour 2013, avant la mise en service de l’Y basque 150 trains à Bayonne !

  • Devant la contestation, une expertise est demandée, par le président de la Commission Nationale du Débat Public, au cabinet suisse SMA Progtrans.

    Voici ses conclusions :
    « Globalement les prévisions de trafic de marchandises par le rail à l’horizon 2020 sont donc jugées optimistes et un scénario prévoyant des hypothèses plus prudentes serait souhaitable […] la capacité rendue disponible par des aménagements mineurs de la ligne existante permet de répondre à la demande globale retenue par RFF à l’horizon 2020 dans des conditions qualitatives acceptables. »

  • RFF n’en tiendra pas compte et maintiendra ses prévisions qui seront avalisées par les autorités décideuses.

  • En 2009, le cabinet d’experts ferroviaires suisses CITEC remet aux élus du Pays basque une étude capacitaire de la Ligne Bayonne-Hendaye.
    Voici ses conclusions :
    « La capacité utile à long terme est de 240 sillons fret par jour (2 sens confondus). En tenant compte des trains voyageurs la capacité totale de la ligne est de 322 trains par jour. »

 

  • En 2011, la CITEC indique : « Une attention particulière devra être portée aux prévisions de trafic et de capacité des réseaux ferrés de part et d’autres de la frontière. En effet, les données espagnoles ne permettent pas à ce jour de savoir si le réseau ferré sera en mesure de recevoir tous les trains internationaux prévus par les études françaises. La seule valeur connue table à long terme sur 124 trains de fret par jour » (p.27).

On peut tout d’abord pointer du doigt les études d’impact, mensongères. Par exemple, RFF (ancêtre de SNCF Réseau) estimait les émissions de gaz à effet de serre qu’engendrerait le chantier à 2,4 millions de tonnes de CO2. Or, les études menées par les opposant.es (voir la contre-étude carbone de LGVEA), elles, tablent plutôt pour un chiffre total de près de 4,5 millions de tonnes de CO2. L’étude carbone du GPSO aurait ainsi « oublié » l’impact des nombreuses gravières et carrières, des postes de transformation électrique, la surface des centrales de panneaux solaires pour alimenter la LGV, le déplacement de conduites de gaz et les transports relatifs à ces travaux.

Par ailleurs, la LGV nécessiterait au minimum la construction de nouvelles lignes électriques car la très grande vitesse est énergivore (la consommation d’électricité double de 220 km/h à 320km/h) ainsi que l’ouverture de nouvelles gravières pour alimenter un chantier titanesque, impliquant d’énormes quantités de matériaux (54 millions de m3 et 5 millions de rotations de camions). Ce qui n’est pas neutre et est souvent exclus de l’exposé du projet par ses promoteurs.

Enfin mais surtout, pour ce qui est des dommages sur la biodiversité, on ne peut pas « compenser » la perte d’habitat naturel pour les animaux (premier facteur d’érosion de la biodiversité selon l’IPBES). Les animaux se contentent de déserter les zones artificialisées, rendues hostiles à la vie, et les populations s’érodent brutalement, puisque les parcelles ne sont pas des vases communiquant à cet égard : il n’y a pas deux fois plus d’animaux sur un territoire parce que celui d’origine a été détruit : à moins d’exposer un concept absurde de populations animales migrantes ? Les réfugiés de la LGV ?

Il en va de même pour la perte de foncier agricole, l’artificialisation des terres : cela ne se compense pas, un sol artificialisé est un sol en moins sur lequel ne plus pouvoir compter pour la résilience alimentaire (entre autres sujets critiques).

La LGV Bordeaux-Tours constitue un contre-exemple emblématique concernant la vacuité des études de compensation : celles-ci ont vendu monts et merveilles pour aucun résultat probant à l’arrivée. Cet article en synthétise les principaux écueils.

Il faut tout d’abord relever le fait que les collectifs ne s’opposent pas au train, mais à l’idée de lancer un grand projet alors qu’une alternative est possible, dans la modernisation des petites lignes, à un coût raisonnable, qui n’allonge pas le temps de trajet significativement (24 minutes), et qui assure tout autant le report modal (de la voiture sur le train plutôt que de l’avion sur le train, qui ne concerne pas la population française dans les mêmes proportions : pas besoin d’être ingénieur pour parler ordres de grandeurs…).

Ainsi, pour ce qui est de la défense d’une mobilité « verte », a priori souhaitable, les collectifs se contentent simplement d’appliquer la règle des 3R aux grands choix de développement : « réduire, réutiliser, recycler » (avant d’investir sur du neuf). La conclusion est assez évidente : moderniser le ferroviaire existant devrait être la priorité concernant la mobilité verte.

Par ailleurs, comprendre l’opposition au GPSO comme un refus de se mettre en lien avec de nouveaux territoires, c’est nier l’existence de connexions qu’il s’agirait juste d’améliorer. Les collectifs demandent en effet la mise à niveau du service (pour réduire les retards et dysfonctionnements, surtout, et améliorer les fréquences) : la maintenance et la rénovation sont les réelles priorités du territoire, et même les promoteurs (élus comme entreprises) le disent à demi-mots. Ils éprouvent cependant quelques difficultés à démontrer les synergies entre LGVs et TER. Leur principal argument est que les LGVs améliorent les transports du quotidien, car ceux-ci se calent sur les correspondances des LGVs : ceci ne dénote pas une politique franchement volontariste pour les transports du quotidien [source : « Lors de l’ouverture de la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux, la desserte des trains du quotidien a été améliorée avec + 12% de trains régionaux en Nouvelle-Aquitaine pour assurer les correspondances.“]

Citons pour finir le rapport sur la grande vitesse ferroviaire de 2014 de la Cour des comptes :  « Les arguments les plus couramment utilisés pour la promotion de la grande vitesse ferroviaire se réfèrent à une incidence positive sur l’activité économique et le développement régional. La Cour a examiné la portée et la pertinence de ces motivations qui se révèlent souvent contestables, sinon inexactes. […] Les effets paraissent incertains et ne suffisent pas par eux-mêmes à justifier le niveau des investissements nécessaires à la construction de LGV. »

Comme le souligne le CADE dans son document “Le GPSO en questions”, citant Yves Crozet (directeur du Laboratoire d’Economie des Transports à l’Université Lyon 2) : « Plus que de la création d’activités nouvelles, on assiste à de la relocalisation d’activités existantes à proximité du TGV : c’est un jeu à somme quasi nulle »

Texte proposé par le CADE

  • Avec une mauvaise foi évidente, le Président de la Région Nouvelle Aquitaine déclare à qui veut bien l’entendre :  « Il n’y a d’autre alternative que de construire une ligne nouvelle si l’on veut mettre fin au “mur de camions” ».

  • La France a choisi l’autoroute ferroviaire pour développer le fret.

    « Un concept qui peine à faire ses preuves sur les plans économique et financier. » selon la Cour des comptes qui doute de son efficacité en matière de report du trafic routier vers le rail.

  • En effet, 14 ans après la mise en service de l’autoroute ferroviaire Le Boulou-Bettembourg, ce sont désormais 5 navettes quotidiennes qui circulent, soit 6% du trafic Poids lourds de l’autoroute voisine !

  • Pour cela, la France a choisi des wagons surbaissés Modalohr à 400 000€ l’unité qui nécessite de recalibrer tous les ponts et tunnels.

  • L’Europe (à part la Suisse) a fait le choix du transport par conteneur.

    Le conteneur, une unité qui peut être transportée par un bateau, un camion ou un wagon plateforme.

  • Pourquoi la France a fait un choix différent ? La réponse est à demander à Mr Philippe Essig, ancien PDG de la SNCF, conseiller au Ministère de l’Ecologie de J.L. Borloo, conseiller chez Lohr, fabricant de ces wagons. Il a subitement quitté le ministère pour devenir conseiller ferroviaire d’Alain Rousset à la Région Nouvelle Aquitaine !

Texte proposé par le CADE

  • Dans son rapport sur la grande vitesse ferroviaire de 2014, la Cour des comptes donne la réponse : « Les arguments les plus couramment utilisés pour la promotion de la grande vitesse ferroviaire se réfèrent à une incidence positive sur l’activité économique et le développement régional. La Cour a examiné la portée et la pertinence de ces motivations qui se révèlent souvent contestables, sinon inexactes. » et ajoute : « Les effets paraissent incertains et ne suffisent pas par eux-mêmes à justifier le niveau des investissements nécessaires à la construction de LGV. »

  • Si les collectivités n’ont pas hésité à se lancer dans des grands projets d’aménagement, « l’effet TGV ne suffit pas à attirer les entreprises sur un territoire », souligne Marie Delaplace, professeure d’aménagement et d’urbanisme à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée.

  • Avec humour, Yves Crozet, directeur du Laboratoire d’Economie des Transports à l’Université Lyon 2 constate :  « Les élus ont besoin de faire rêver, d’offrir un nouvel horizon à leur population. Or ils n’ont souvent rien de consistant à proposer sauf des infrastructures de transports (autoroutes, TGV…).

    Et il rappelle : « Il ne faut pas attendre de miracle du TGV sur les territoires.[i][1] » et précise : « Plus que de la création d’activités nouvelles, on assiste à de la relocalisation d’activités existantes à proximité du TGV : c’est un jeu à somme quasi nulle »

 

  • Les commissaires de l’enquête publique ne s’étaient pas laissés abuser : « L’objectif affiché et assumé de la grande vitesse est de relier sans arrêts, des grandes métropoles. En conséquence, le développement économique se concentrera autour des gares des deux métropoles et drainera l’emploi au détriment du développement local[2].

     

  • Et s’il fallait enfoncer le clou, voilà ce que constate un groupe d’experts : « Une importante littérature théorique réfute l’existence des effets structurants des infrastructures de transport et identifie parfois envisager des effets conditionnels […]

    Pourtant, le discours et les pratiques politiques considèrent toujours que ces infrastructures, dès lors que des stratégies d’accompagnement sont menées, génèrent de façon quasi-systématique un développement économique pour les territoires desservis.[3] »

    Effectivement le président de la Région Nouvelle Aquitaine ignorant ces études ou feignant de les ignorer déclare : « On aide les entreprises existantes avec cette ligne, mais on va en attirer d’autres aussi. On sait qu’en facilitant la mobilité on peut développer l’emploi…[4] »

[1] Interview à Usine Nouvelle 29/06/2017.

[2] Conclusions p.31.

[3] Lignes ferroviaires a grande vitesse et dynamiques locales : une analyse comparée de la littérature. Sylvie Bazin et col.

[4] « Sud-Ouest » 01/02/2017

Texte proposé par le CADE

  • Dans une lettre au Premier Ministre du 29 avril 2021, cosignée par Alain Anziani président PS de Bordeaux métropole, Alain Rousset réaffirme cette contre-vérité : « la seule ligne ferroviaire existante est totalement saturée à partir de la gare de Facture».

  • Une argumentation fallacieuse, la ligne n’est pas saturée entre Bordeaux et Facture il circulait en 2018, 44 trains dans un sens, 45 dans l’autre par jour, pour une capacité 264 trains quotidiens, deux sens confondus.

  • En 2018, les experts du Conseil d’Orientation des Infrastructures précise dans leur rapport, de façon réaliste, concernant la ligne Bordeaux-Dax : « l’infrastructure nouvelle ne serait justifiable que par une saturation de la ligne existante pour répondre aux besoins du fret, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et ne semble pas envisageable avant un horizon lointain. » (Rapport p.78)

  • La ligne n’est pas saturée, son taux d’occupation est de :
    • 19% entre Dax et Bayonne
    • 27,9% sur le Pont sur l’Adour, le point le plus contraint

 

Texte proposé par le CADE

 

  • Pour prouver « le bien-fondé de l’option de lignes nouvelles », SNCF Réseau n’hésite pas à affirmé que la modernisation de la voie existante reviendrait pratiquement plus cher qu’une ligne nouvelle.
  • Ce « mensonge », une aubaine pour la Région Nouvelle Aquitaine qui emboîte le pas en publiant ce tableau :



    Sur la section Bordeaux-Toulouse des travaux sur 50km (scénario 3) reviendraient 4,9 milliards d’euros. Comparativement la ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse (222 km) figure pour 5,6 milliards d’euros.

  • Pour la ligne nouvelle, il faut construire 33 km de plus, exproprier, compenser les ha détruits, enjamber fleuves et cours d’eau, construire tunnels, viaducs et ouvrages pour la traversée des routes, importer et transporter des tonnes de matériaux par la route et non par train comme pour la rénovation d’une ligne existante…

  • Dans le tableau ci-dessous publié la même année, la Région Nouvelle Aquitaine ne sait plus trop où elle en est…

    Source : Site LGV2030 de la région Nouvelle Aquitaine

    Le coût de la LGV Bordeaux-Toulouse est passé de 5,6Md€ à 6,3Md€ et Bordeaux-Dax de 3,2 Md€ à 2,5Md€.

  • Il faudrait 3Md€ pour rénover Bordeaux-Dax. La rénovation a déjà été entamée avec remplacement des rails, traverses et ballast et nouvelle signalisation. Les trains peuvent se dépasser grâce à des voies d’évitement entre Dax et Lamothe et 2 indications permanentes de contre-sens (IPCS) permettant aux trains d’emprunter l’autre voie si elle est libre.

    Reste la rénovation de la section Facture-Morcenx (69 km) et la suppression de 14 passages à niveau pour autoriser une vitesse de 220 km/h.

    Pour alourdir le coût, SNCF Réseau envisage un passage à 4 voies qui n’est pas nécessaire.

  • Le Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) ne s’est pas laisser abuser.

    Dans son rapport de 2018 il envisage la modernisation de la ligne en ces termes : « l’opportunité de ligne nouvelle Bordeaux-Dax doit être réinterrogée à plus longue échéance. Il semble en effet que moyennant des travaux de relèvement de vitesse sur la ligne, il est possible d’obtenir quasiment les mêmes bénéfices qu’une ligne nouvelle à un coût bien moindre »”.

  • La Cour des comptes européenne en 2020 constate : « L’aménagement des lignes existantes conventionnelles, est rarement prise dûment en considération, alors qu’elle pourrait permettre de réaliser des économies non négligeables

  • Christophe Huau, directeur de la nouvelle Agence GPSO déclarer dans une interview[1]: « Le scénario qui consiste à moderniser l’existant implique de devoir couper toute circulation des trains pendant cinq à six ans. »
    >> Déclaration fausse : SNCF Réseau utilise un train mécanisé, développé par les sociétés suisse Scheuchzer et française TSO. Depuis quelques il remplace rails, traverses et ballast sur les LGV Sud-Est et Atlantique. Le « BOA », c’est sa dénomination, a un rendement nocturne de 800 à 1 000 m pour remplacer deux files de rails, soudures électriques, opération de libération de leurs contraintes internes, retrait et évacuation des rails anciens compris.

    Dès l’aube, la circulation des TGV peut reprendre à 160 km/h sur la zone renouvelée. Ces opérations se déroulent chaque nuit du lundi soir au samedi matin, de fin septembre au mois de décembre, sur le tronc commun de la ligne à grande vitesse Atlantique[1].

     

    [1] Source Ville Rail Transport https://www.ville-rail-transports.com/ferroviaire/un-boa-qui-avale-800-m-de-rails-a-la-fois/